La compétence territoriale en matière d'escroquerie
Par Doreid BECHERAOUI
Maître de conférences HDR à l'Université Robert Schuman de Strasbourg
Avocat à la Cour de Beyrouth
Ancien substitut du procureur de la République
Le point de vue juridique selon lequel la compétence sera accordée exclusivement au tribunal dans le ressort duquel la remise a eu lieu, n'est pas bien fondé. En effet, l'argument sur lequel il se base est pertinent et soutenable, mais pas satisfaisant.
A l'instar de l'alinéa 1er de l'article 382 du code de procédure pénale français, L'article 9 du CPP libanais prévoit que le tribunal territorialement compétent est " celui du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu ou celui du lieu d'arrestation de ce dernier". L'unique élément qui différencie les deux textes en question consiste dans le fait que les disposions françaises sont plus explicites que celles du texte libanais, et ce dans la mesure où elles stipulent expressément que le tribunal territorialement compétent peut être celui du lieu de l'arrestation ou de la détention du prévenu, " même lorsque cette arrestation ou cette détention a été opérée ou est effectuée pour une autre cause". Mais cette affirmation, totalement négligée par le texte libanais, ne change rien quant à la compétence territoriale.
En pratique, le tribunal choisi est généralement celui du lieu de commission de l'infraction puisqu'il détermine le trouble à l'ordre public. Cependant, dans la mesure où l'escroquerie est une infraction complexe, il peut y avoir une localisation éclatée dans l'espace: les manœuvres frauduleuses étant réalisées à un endroit et la remise à un autre, de même en cas de remises successives effectuées dans des lieux différents.
Il en résulte que pour pouvoir désigner le tribunal compétent en matière d'escroquerie, il faut procéder préalablement à la localisation de cette infraction ou à la localisation de la procédure d'arrestation ou de détention. C'est seulement la localisation de l'infraction dans l'espace qui pose problème et sur le plan interne et sur le plan international, car l'escroquerie est une infraction complexe supposant pour sa réalisation la commission de deux ou de plusieurs faits matériels différents et successifs ( Par exemple, faux ( fabrication de faux ou/et usage de faux ) suivi d'une remise , manœuvres frauduleuses aboutissant à la remise de la chose appartenant à autrui, usage d'une fausse qualité et remise de la chose... ).
Pour la théorie favorisant le lieu de la remise comme élément décisif déterminant la compétence territoriale, le lieu de la commission de l'infraction est seulement celui où la remise s'est réalisée. Or, la remise à elle seule ( sans les manœuvres frauduleuses ou sans l'usage de moyens frauduleux différents) ne suffit pas et ne constitue pas à une infraction pénale, comme c'est le cas pour les manœuvres frauduleuses qui ne constituent aucun délit si elles ne tendent pas à la remise de la chose, sauf bien entendu les cas où le moyen frauduleux utilisé constitue en lui-même une infraction abstraction faite de toute remise ( ex. usage de faux , fabrication de faux ou même usurpation d'identité), ou le cas où la tentative d'escroquerie est bien caractérisée. C'est pourquoi, on ne peut pas se rallier à l'opinion considérant le lieu de la remise comme étant le lieu fixant exclusivement la compétence en faveur du tribunal dans le ressort duquel cette remise a été localisée . Car du moment où l'escroquerie est consommée ( commise), chacun de ses éléments constitutifs ( remise et manœuvres frauduleuses) peut être pris en compte pour la détermination du tribunal territorialement compétent. Dès lors, sont compétents les différents tribunaux dans le ressort desquels se trouve réalisé l'un des éléments constitutifs de l'infraction. C'est en ce sens que se prononce la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation en France : « Est compétent territorialement le juge d'instruction dans le ressort duquel a été accompli un acte caractérisant l'un des éléments des manœuvres frauduleuses qui auraient été perpétrés » ( Crim., 11 février 1992, Bull. Crim. n°63).
Le tribunal compétent peut être donc ou bien celui dans le ressort duquel la remise a eu lieu, ou bien celui dans le ressort duquel les manœuvres frauduleuses ont été réalisées. En principe, et pour éviter les difficultés, est compétente la juridiction qui a été saisie en premier. Si plusieurs juridictions sont saisies, on applique alors la procédure de « règlement de juges ». La jurisprudence française opte pour cette solution ( Crim., 12 décembre 1935, Bull.Crim., n° 142, Gazette du Palais 1936, I, Jurisprudence, p. 116).
La solution indiquée ci-dessus est également admise en ce qui concerne la localisation de l'escroquerie au plan international. En effet, en application de l'article 113-2 du Code pénal français « la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République » et « une infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». De cet article, il résulte que si une partie de l'élément matériel a été accompli en France ( remise ou manœuvres frauduleuses) , les juridictions françaises sont compétentes. Ainsi, selon les cas, l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité, l'abus d'une qualité vraie, des manœuvres frauduleuses ou la remise permettent de justifier la compétence de ces juridictions. La jurisprudence est bien fixée en ce sens ( Crim., 8 juin 1912, Bull.crim., n° 308- Crim., 28 novembre 1996, Bull.crim., n° 95).
Aussi, l'article 15-1 du Code pénal libanais adopte la même solution en édictant que « l'infraction est réputée commise sur le territoire libanais dès lors qu'un de ses éléments constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». Le législateur libanais prend donc en compte pour la localisation de l'escroquerie et la remise de la chose et les manœuvres frauduleuses. Il suffit que l'un de ses éléments constitutifs soit réalisé sur le territoire de la République libanaise pour que l'escroquerie soit réputée commise au Liban. Il s'ensuit que, s'il est opportun d'admettre que l'escroquerie est commise sur le territoire libanais dès lors que les manœuvres frauduleuses se trouvent réalisées sur ce territoire alors que la remise a lieu à l'étranger, aucune raison ne puisse justifier que cette solution soit écartée au plan interne quant à la localisation de la même infraction
A l'instar de l'alinéa 1er de l'article 382 du code de procédure pénale français, L'article 9 du CPP libanais prévoit que le tribunal territorialement compétent est " celui du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu ou celui du lieu d'arrestation de ce dernier". L'unique élément qui différencie les deux textes en question consiste dans le fait que les disposions françaises sont plus explicites que celles du texte libanais, et ce dans la mesure où elles stipulent expressément que le tribunal territorialement compétent peut être celui du lieu de l'arrestation ou de la détention du prévenu, " même lorsque cette arrestation ou cette détention a été opérée ou est effectuée pour une autre cause". Mais cette affirmation, totalement négligée par le texte libanais, ne change rien quant à la compétence territoriale.
En pratique, le tribunal choisi est généralement celui du lieu de commission de l'infraction puisqu'il détermine le trouble à l'ordre public. Cependant, dans la mesure où l'escroquerie est une infraction complexe, il peut y avoir une localisation éclatée dans l'espace: les manœuvres frauduleuses étant réalisées à un endroit et la remise à un autre, de même en cas de remises successives effectuées dans des lieux différents.
Il en résulte que pour pouvoir désigner le tribunal compétent en matière d'escroquerie, il faut procéder préalablement à la localisation de cette infraction ou à la localisation de la procédure d'arrestation ou de détention. C'est seulement la localisation de l'infraction dans l'espace qui pose problème et sur le plan interne et sur le plan international, car l'escroquerie est une infraction complexe supposant pour sa réalisation la commission de deux ou de plusieurs faits matériels différents et successifs ( Par exemple, faux ( fabrication de faux ou/et usage de faux ) suivi d'une remise , manœuvres frauduleuses aboutissant à la remise de la chose appartenant à autrui, usage d'une fausse qualité et remise de la chose... ).
Pour la théorie favorisant le lieu de la remise comme élément décisif déterminant la compétence territoriale, le lieu de la commission de l'infraction est seulement celui où la remise s'est réalisée. Or, la remise à elle seule ( sans les manœuvres frauduleuses ou sans l'usage de moyens frauduleux différents) ne suffit pas et ne constitue pas à une infraction pénale, comme c'est le cas pour les manœuvres frauduleuses qui ne constituent aucun délit si elles ne tendent pas à la remise de la chose, sauf bien entendu les cas où le moyen frauduleux utilisé constitue en lui-même une infraction abstraction faite de toute remise ( ex. usage de faux , fabrication de faux ou même usurpation d'identité), ou le cas où la tentative d'escroquerie est bien caractérisée. C'est pourquoi, on ne peut pas se rallier à l'opinion considérant le lieu de la remise comme étant le lieu fixant exclusivement la compétence en faveur du tribunal dans le ressort duquel cette remise a été localisée . Car du moment où l'escroquerie est consommée ( commise), chacun de ses éléments constitutifs ( remise et manœuvres frauduleuses) peut être pris en compte pour la détermination du tribunal territorialement compétent. Dès lors, sont compétents les différents tribunaux dans le ressort desquels se trouve réalisé l'un des éléments constitutifs de l'infraction. C'est en ce sens que se prononce la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation en France : « Est compétent territorialement le juge d'instruction dans le ressort duquel a été accompli un acte caractérisant l'un des éléments des manœuvres frauduleuses qui auraient été perpétrés » ( Crim., 11 février 1992, Bull. Crim. n°63).
Le tribunal compétent peut être donc ou bien celui dans le ressort duquel la remise a eu lieu, ou bien celui dans le ressort duquel les manœuvres frauduleuses ont été réalisées. En principe, et pour éviter les difficultés, est compétente la juridiction qui a été saisie en premier. Si plusieurs juridictions sont saisies, on applique alors la procédure de « règlement de juges ». La jurisprudence française opte pour cette solution ( Crim., 12 décembre 1935, Bull.Crim., n° 142, Gazette du Palais 1936, I, Jurisprudence, p. 116).
La solution indiquée ci-dessus est également admise en ce qui concerne la localisation de l'escroquerie au plan international. En effet, en application de l'article 113-2 du Code pénal français « la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République » et « une infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». De cet article, il résulte que si une partie de l'élément matériel a été accompli en France ( remise ou manœuvres frauduleuses) , les juridictions françaises sont compétentes. Ainsi, selon les cas, l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité, l'abus d'une qualité vraie, des manœuvres frauduleuses ou la remise permettent de justifier la compétence de ces juridictions. La jurisprudence est bien fixée en ce sens ( Crim., 8 juin 1912, Bull.crim., n° 308- Crim., 28 novembre 1996, Bull.crim., n° 95).
Aussi, l'article 15-1 du Code pénal libanais adopte la même solution en édictant que « l'infraction est réputée commise sur le territoire libanais dès lors qu'un de ses éléments constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». Le législateur libanais prend donc en compte pour la localisation de l'escroquerie et la remise de la chose et les manœuvres frauduleuses. Il suffit que l'un de ses éléments constitutifs soit réalisé sur le territoire de la République libanaise pour que l'escroquerie soit réputée commise au Liban. Il s'ensuit que, s'il est opportun d'admettre que l'escroquerie est commise sur le territoire libanais dès lors que les manœuvres frauduleuses se trouvent réalisées sur ce territoire alors que la remise a lieu à l'étranger, aucune raison ne puisse justifier que cette solution soit écartée au plan interne quant à la localisation de la même infraction